Premières fois #2

Premières fois #2

L’amphi est plein comme un oeuf. 600 personnes rassemblées dans un espace clos devraient réchauffer l’atmosphère, pourtant tout le monde a froid. Il fait -5 dehors et à peine plus dedans. Un froid sec et piquant qui dure depuis plusieurs jours, depuis le retour des vacances de Noël.

J. est assise à côté de moi. Écharpe autour du cou. Manteau fermé. Elle est à deux doigts de greloter. Nous sommes serrés l’un contre l’autre. Autant pour nous réchauffer que pour le plaisir de nous toucher. Même si c’est au travers de nos vêtements.

J. et moi sommes ensemble depuis un peu plus d’un mois. Juste avant les vacances de Noël. Par accident, ou presque. Je l’avais remarquée dans la foule des étudiants en médecine. Des yeux d’un bleu profond ne pouvaient pas passer inaperçus. Même au milieu de 600 personnes. Jamais je n’avais trouvé le courage de l’aborder. J’ai toujours été d’une timidité maladive, timidité renforcée quand il s’agit des filles. Et si cela ne suffisait pas, j’étais de plus impressionné par son regard qui me transperçait.

Il a fallu que je boive beaucoup, trop, et que je vomisse sur ses chaussures, enfin pas loin, pour arriver à lui parler. Les premiers mots furent des excuses à peine intelligibles. Elle prit assez bien la chose. En riant. Autant de m’attendre bafouiller des borborygmes que de me voir a nouveau rendre tripes et boyaux sur le trottoir. Elle eut la gentillesse, alors que, à quelques centimètres près, j’aurais pu ruiner ses chaussures, de me raccompagner chez moi. Je l’en remerciais, et eut la décence de ne pas l’inviter à monter. D’ailleurs, je ne sais pas ce que j’aurais fait avec elle une fois chez moi. Je me suis effondré tout habillé sur le lit. Le lendemain je me réveillais avec une superbe gueule de bois.

Le lundi suivant, elle m’aborda alors que nous attendions l’ouverture des portes de l’amphi. Elle me demanda si j’avais bien dormi, bien cuvé. Façon comme une autre d’engager la conversation. Je lui en sus gré, j’aurais encore une fois été incapable de lui parler, surtout après ma prestation précédente. Nous sommes entrés ensemble, et à ma grande surprise elle est venue s’asseoir à côté de moi. Le jeudi suivant nous sommes allés à une autre soirée. J’ai moins bu. Nous avons parlé de tout et de rien. Puis, elle m’a à nouveau reconduit chez moi. Nous nous sommes embrassés dans sa voiture. Longtemps. Cette fois-ci j’ai bien pensé l’inviter à monter, mais j’ai eu peur qu’elle prenne mal l’invitation.

Les vacances de Noël sont arrivées. Je suis rentré chez mes parents. C’était l’époque d’avant les téléphones portables, Facebook, MSN et autres moyens de communication aujourd’hui communs, nous sommes donc restés deux longues semaines sans nous parler. Sans nous voir. J’ai reçu une lettre, une vraie, sur papier, écrite à la main. Quelques mots pour me dire que je lui manquais. Nous nous sommes donc retrouvés avec plaisir. En janvier. Alors qu’une vague de froid s’abattait sur le pays.

Il nous a fallu affronter le vent glacé au sortir de l’amphi. Remonter les rues jusque chez elle. Je savais vers quoi nous allions. Nous en avions parlé. Nous en avions envie. Nous étions d’accord. Mais il restait une question à aborder. Sur le chemin je cherchais comment lui dire qu’elle serait la première. 19 ans ce n’est pas vieux pour avoir sa première expérience sexuelle, mais pourtant, il me semblait anormal d’être encore puceau. Je pensais qu’elle en rirait. Je me demandais si elle voudrait encore si je lui avouais être vierge. D’un autre côté, je ne voulais pas lui cacher. Je voulais être honnête.

J’avais sa main dans la mienne. Elle me serrait fort. De plus en plus fort au fur et à mesure que nous nous approchions. En bas de chez elle, je lui ai dit qu’elle n’était pas obligée, que l’on pouvait encore attendre. Elle a souri. Dit qu’elle voulait. Alors, dans l’entrée de la maison de ses parents, sans préambule je lui ai dit : « je suis puceau ». Elle a laissé tombé mon manteau par terre. S’est tournée vers moi. Il y avait dans ses yeux magnifiques une lueur d’affection, et sur ses lèvres un sourire qui n’avait rien de moqueur. Elle a pris ma main, m’a guidé jusque dans sa chambre. Il y subsistait des traces de la petite fille qu’elle était. Une barbie sur une étagère, des peluches sur le lit. Elle les a poussées pour que nous puissions nous y installer.

Elle a commencé à me déshabiller tout en m’embrassant. Mes vêtements tombaient les uns après les autres sur le parquet. Je me suis retrouvé nu sans vraiment m’en rendre compte. J. ne me laissant que mon caleçon. Elle se leva et commença à son tour à ôter ses nombreuses couches de vêtements. Elle se retrouva quasi nue, ne gardant elle aussi que sa culotte et son soutien-gorge. Puis, elle revint s’asseoir sur le lit. Nous reprîmes nos baisers, nos caresses encore chastes.

Mille pensées me traversaient l’esprit alors que mes mains découvraient le corps de J., alors que ses mains exploraient ma peau.

Nous firent durer longtemps ce moment. Pour nous apprivoiser. Pour me donner confiance. Pour que nos désirs déjà bien vivants s’enflamment, nous embrasent. J. glissa sa main jusqu’à mon entre jambes. Elle éclatat de rire en rencontrant mon sexe dressé, tendu.

— Tu bandes comme un âne; dit-elle.

— Tu as déjà vu un âne bander, lui rétorquais-je mi-amusé, mi-vexé. ET nous parfîmes d’un fou rire en évoquant les diverses comparaisons animales liées au sexe.

Cet intermède finit de nous détendre. J. ôta ses sous-vêtements, s’allongea, m’invita à m’allonger sur elle. Je gardais encore une pointe d’appréhension. L’inquiétude du novice qui a peur de mal faire. Elle me guida en elle. Je fermais les yeux en la pénétrant. Savourant cet instant que je savais unique.

Nous fîmes l’amour tendrement. Je la couvrais de baisers. Elle faisait glisser ses mains sur mon dos, mes fesses. Notre première fois dura peu de temps. L’excitation, l’attente, l’envie étaient telles que je ne pus me retenir longtemps. Pourtant, ces quelques minutes me semblèrent une éternité. Un instant hors du temps. Pas parfait, mais magique. Un moment de complicité, d’affection, de respect, une envie et un désir partagé.

J. me quitta à la fin de l’année universitaire. Elle partait ailleurs. Une autre ville. Une autre fac. Une autre vie. Nous savions que notre relation ne survirait pas à la distance. Je lui dois non seulement ma première fois, mais surtout ma façon de concevoir le sexe. Un acte de partage, de complicité, d’amour, de plaisir commun. Autant de choses qu’une autre aurait pu détruire. Autant de choses que la femme qui partage ma vie aujourd’hui  m’a fait redécouvrir, et entretient.


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