E. est penchée sur moi. Assis sur le lit, bandant comme jamais, j’attends qu’enfin elle me prenne dans sa bouche.

Comme beaucoup de mecs, j’aime me faire sucer. J’ai longtemps attendu pour qu’enfin une femme accepte de le faire. Surtout de la faire sans tordre le nez. J. qui fut celle avec qui j’ai eu mes premières expériences ne l’a jamais fait, mais c’est surtout parce que je ne lui ai jamais demandé. La première qui a pris ma bite dans sa bouche ne l’a fait qu’après des mois de palabre, de négociation.

E. que j’aime, n’aimait pas le sexe. Bien sûr nous avons, au cours des cinq ans qu’a duré notre histoire, fait l’amour. De moins en moins souvent au fil du temps, mais, même aux premiers temps, jamais nous ne nous sommes écartés d’une pratique « sage » de l’acte sexuel. Jamais elle ne me laissa lui faire de cunnilingus, parce que c’était sale de mettre la langue là. De temps en temps j’avais le droit d’y mettre les doigts, mais surtout pas de les sucer ou même de les sentir après. Une fois elle me laissa esquisser une sodomie, mais quand elle hurla à la mort au moment où je m’introduisais, j’abandonnais toute velléité de ce côté-là.

Je pris donc comme une victoire cette pipe qu’elle acceptait enfin de m’offrir. Je dus au préalable me savonner la queue et la rincer longuement. Je dus aussi lui promettre de ne pas poser ma main sur sa tête pour guider ses mouvements, pour donner le rythme. Et surtout je dus promettre de la prévenir avant de jouir pour qu’elle ne risque pas d’avoir la moindre goutte de foutre dans la bouche. Je l’aimais. Je lui étais reconnaissant de me sucer, alors j’acceptais toutes ses demandes.

Assis sur le lit j’attendais. J’avais des fourmis à la base du pénis signe d’une intense excitation. J’observais E. s’approcher de moi avec précaution, comme si ma bite allait la mordre. Je voyais bien qu’elle hésitait encore. Que malgré toutes mes promesses, malgré la longue douche que je venais de prendre, elle n’avait pas envie de me faire ce plaisir. Elle n’osait même pas me regarder.

Finalement, j’ai senti ses lèvres sur ma queue. J’ai senti sa bouche m’avaler. Ce simple contact provoqua un frisson de plaisir qui parcourut tout mon corps. Le seul plaisir que je prendrais. Elle me suça sans enthousiasme pendant une minute. Peut-être deux. Elle se leva d’un bond et partit dans la salle de bain pour se laver les dents. Je restais la queue entre les jambes. Je lui pardonnais. Parce que je l’aimais encore.

Avec le recul, cette fausse fellation, fut le premier signe de la fin de notre couple. Après cette scène nous avons fait de moins en moins souvent l’amour. Je me suis convaincu que la tendresse, les calins chastes qu’elle m’accordait  étaient mieux que le sexe. Je me suis mis à penser moi aussi que le sexe c’était sale.

Jusqu’à toi. Jusqu’à ce que le sexe redevienne de l’amour et le corps de l’autre un instrument pour prendre et donner du plaisir. C’est ton plus beau cadeau.

(photo Camille Crimson)