Ils baisent. C’est le mot le plus juste. Ils baisent. Sans amour. C’est mécanique. Pas érotique. Bassement pornographique. Ils baisent. Les hommes ont un regard bovin. Vide. Ils liment. Ils tronchent. Ils bourrent une femme qui feint de prendre du plaisir dans ces assauts virils. Elle pousse des cris. Elle gémit. Elle joue. Tous d’ailleurs ils jouent. Ils baisent devant une caméra. Ils reproduisent crument l’acte sexuel. Ils baisent pour la caméra. Pour un film. Et nous assis devant la télé, nous les regardons faire d’un œil distrait.
De temps en temps, nous faisons l’amour devant un film porno. Après un ou deux verres de vin, nous lançons un film. Pas sue nous en ayons besoin pour nous exciter. Il s’agit juste de pimenter un peu nos étreintes. Nous regardons les premières minutes en nous embrassant, nous déshabillant, nous caressant. Puis, alors que sur l’écran un mec aux ados luisants se fait sucer par une bimbo, nous commençons nous aussi en passer a l’action.
Caresse buccale, de sa part ou de la mienne, les autres peuvent continuer leur sexe mécanique, leur baise automatique, nous nous foutons maintenant. Elle seule compte pour moi. Son corps que je veux fait vibrer, sa peau que je veux caresser, ses seins que je veux pétrir, son sexe que je veux pénétrer. Sur l’écran les filles faciles qui se font prendre dans des positions acrobatiques en poussant des cris peuvent apparaitre parfaites sous les éclairages, le maquillage, les retouches chirurgicales ou numériques, elles m’intéressent moins que le corps de ma femme. Avec ses imperfections, ses défauts, mai qui est réel, palpable, présent.
Nous oublions vite que d’autres font presque la même chose que nous juste a portée de regard. Ils baisent, mais jamais ils ne baiseront comme nous le faisons. Ils peuvent être performants. Avoir des sexes énormes. Des seins obusiers. Faire durer et durer leur gymnastique, ce ne sera au final que de la gymnastique. Un acte artificiel. Nos corps fatigués, imparfaits. Les bruits que nous produisons, bruits organiques, naturels, sont plus harmonieux que la musique d’ascenseur sur laquelle ils baisent. Les hésitations, les maladresses sont bien plus belles que leur chorégraphie. Nous baisons sauvagement, fiévreusement parce que nous cherchons le plaisir de l’autre au travers du nôtre. Pas l’excitation d’anonymes. Nous baisons tendrement, calmement parce que nous nous aimons et que cet acte physique, charnel en est l’expression la plus naturelle, pas parce qu’on nous a payés pour le faire.
Ils baisent sur le pont d’un bateau, dans des chambres d’hôtel luxueux, dans des limousines. Les filles portent de la lingerie couteuse et sexy, des bijoux. Elles sont impeccablement coiffées et maquillées. Nous le faisons sur un canapé, dans notre lit. Nous portons les traces de la journée. Elle a ôté son maquillage et a enfilé une nuisette banale. Nous sentons un peu la sueur. Elle est magnifique parce que ses yeux brillent d’encre, de désir. Et si je bande ce n’est pas parce que je me suis « chauffe » avant, mais parce que j’ai moi aussi envie d’elle. Sans maquillage. Décoiffée. Naturelle.
Nous avons baisé et eux continuent de s’agiter. Dans tous les sens. Nous les regardons. Une fille blonde aux ongles peints en rouge à genoux devant un type au regard éteint le branle sans passion, avec une application professionnelle. L’autre type attend que son copain éjacule sur le visage de la blonde avant d’à son tour aller se vider les couilles. Devant ce spectacle qui nous laisse froids, nous nous lovons l’un contre l’autre. Dernier acte, provisoire, de nos étreintes. Nous avons encore sur nous le goût de l’autre. Nous ruisselons de sueur et de plaisir. Nous sommes comblés. Rassasié. Déjà, les autres à peine éjectés de l’écran, d’autres corps se livrent à des gesticulations sexuelles sans amour, sans âme. Nous éteignons l’écran. Ils s’effacent sans rien dire. Jusqu’à la prochaine fois. Maintenant nous baisons sans eux.
Ils ont dit…