Le bruit partout. Certains appellent ça de la musique. Mais quand à chaque coin de rue, le moindre amateur avec des prétentions artistique se met à gratter sa guitare, souffler dans un saxophone ou taper sur des percussions, la musique disparaît au profit du bruit. La fête de la musique est le meilleur moyen jamais trouve pour dégoûter le mélomane.
21 juin, premier jour de l’été. La nuit la plus courte de l’année. En dehors de la cacophonie, il y a la chaleur. Les premières chaleurs estivales qui se sont abattues depuis quelques jours. Adieu la chaleur légère du printemps. Celle-là est oppressante. Le corps a oublié comment la vivre. Il la subit.
J’ai ouvert en grand la fenêtre. Des vagues de chaleur pénètrent dans mon petit appartement portant avec elles des bouffées de la cacophonie ambiante. J’attends. Je ne sors pas. Je ne me mêle pas à la foule qui s’agglutine dans les rues. Je l’attends. Je ne suis pas sûr qu’elle va venir. Elle sait que je suis là. Elle sait que je l’attends. Elle seule sait que je suis là. Elle seule sait que je l’attends.
Un coup de sonnette. Mon cœur bat plus fort. Je descends les escaliers. Je déballe les escaliers jusqu’à la porte d’entrée. Je la vois. De l’autre côté de la baie vitrée. Elle est belle. Elle porte une robe blanche toute simple. Version estivale de l’indispensable petite robe noire. J’ouvre la porte. La chaleur de la rue entre en même temps qu’elle. Je l’embrasse. Je retrouve le goût de ses lèvres. Goût familier alors que je ne le connais que depuis 10 jours. Nous montons. Elle me suit. J’entends le bruit de ses pas derrière moi. Les battements de mon cœur suivent le rythme de ses talons sur le carrelage.
À l’abri du monde, la porte fermée, nous nous embrassons à nouveau. Avec plus de fougue. Nos lèvres humides s’écartent, nos langues se mêlent. Nous n’avons encore rien dit. Nous n’avons pas échangé une parole. Ce soir il n’est pas question de mots. Nous avons déjà eu le temps de parler. Ce soir, alors que des hordes de musiciens polluent de leur cacophonie les rues de toutes les villes de France, il est question de corps, de nos corps qui pour la première fois vont s’unir.
Debout, au milieu de la pièce unique de mon appartement, nous nous enlaçons. Même si nous en avons tous les deux envie, nous retardons le moment ou nous devrons nous retrouver nus. Mes mains glissent sous la petite robe blanche toute simple de ma future amante. Mes doigts glissent sur sa peau. Sur ses épaules. Sur ses bras. Sur son ventre. Ils hésitent à aller plus haut. Ou plus bas. Ils effleurent ses seins. S’arrêtent à la lisière de sa culotte.
Elle déboutonne ma chemise. Passe ses mains dans mon dos. Sur mon torse. Pose sa tête dans mon cou. Je sens le bout de sa langue glisser sur mon épaule. Elle prend alors ma main et la guide vers son entrejambe. Il est humide. Elle frémit quand je commence à la caresser. Je prends mon temps. Je ne veux pas brusquer les choses. Pourtant, j’ai envie d’elle. J’ai envie de rentrer en elle. Sa main descend sur mes fesses, se glisse sous mon pantalon. Sous mon boxer. Mon sexe n’attend qu’elle. Attends qu’elle le prenne dans sa main. Qu’elle l’empoigne !
Nous avons tous les deux plus de trente ans et pourtant nous nous caressons mutuellement comme deux adolescents découvrant l’amour, le corps de l’autre. Nous faisons s’éterniser ce moment. Nous savons qu’il n’y en aura pas d’autre. Et nous avons peur aussi. Cette peur d’avant les premières fois. Ce trac incontrôlable.
Nos vêtements finissent par glisser sur le sol. Sa petite robe blanche toute simple tombe a perdu tout son charme maintenant qu’elle n’est plus qu’une boule de tissu sur le sol. Nous sommes nus. Nous nous voyons nus pour la première fois. Embarrassés. Un peu honteux de dévoiler nos corps qui n’ont plus vingt ans. Pas encore vieux, mais qui portent déjà les traces du temps qui passe. Elle cache ses seins. Elle n’aime pas ses seins. Alors que je les ai déjà touchés, pris dans mes mains, elle refuse que je porte mon regard sur eux. J’écarte ses mains. Je lui dis qu’ils sont beaux. Petits, mais beaux. Elle ne veut pas me croire. Je m’approche les embrasses. Elle sourit.
Nous mettons une éternité a traverser les quelques centimètres qui nous séparent du lit. Nous nous serrons l’un contre l’autre. Nous nous touchons encore. Elle tient dans sa paume mon pénis en pleine érection. Une érection comme je n’en ai pas eu depuis longtemps. Je me sens sur le point d’exploser. Elle me masturbe en douceur. Je me retiens au maximum. Je ne veux pas jouir dans sa main. Je la repousse. Tendrement. Elle se laisse tomber sur mon lit.
Il y a si longtemps que je n’ai pas eu de femme dans mon lit. Deux ans. Deux ans a faire l’amour ont ma main en regardant des films pornographiques. Deux ans. Une éternité. Je la regarde allongée sur mes draps propres. Changés ce matin pour elle. Je la regarde offerte, m’attendant. Je lui dis qu’elle est belle. Je me penche vers elle. L’embrasse. Me couche sur elle. Elle guide mon sexe tendu vers le sien ouvert. Je me glisse en elle. Elle ferme les yeux. Je pousse un cri en me sentant pénétrer dans son antre chaude et humide. Mais le plaisir ne dure pas. À peine le temps d’un va-et-vient, j’explose. Je me repens en elle. Je m’excuse. J’ai envie de pleurer. Elle me serre contre elle. Me dit que ce n’est pas grave. Je lui dis les deux ans sans amour. Les deux ans sans une femme à serrer contre moi. Les deux ans à jouir dans ma main devant un écran. Elle me chuchote à l’oreille des mots doux pour me réconforter. Sa gentillesse ne suffit pas à apaiser ma déception, ma honte, mon embarras. Heureusement qu’à ce moment-là je ne réalise pas que c’est la première fois que j’éjacule dans une femme. Que pour la première fois de ma vie je fais, pendant une poignée de seconde, l’amour sans préservatif.
Nous restons allongés l’un contre l’autre. Notre désir toujours brulant. Nos lèvres se touchent de nouveau. Sa langue joue avec la mienne. Je sens revenir une érection. Elle la sent aussi. M’embrasse, m’attire vers elle. Je me glisse a nouveau en elle. Son sexe plein de mon sperme est chaud, doux. J’avais oublié à quel point il est agréable de faire l’amour. Je suis maladroit, pataud, j’ai l’impression que c’est ma première fois, que j’ai tout oublie. Je jouis de nouveau. Un orgasme court. Je tombe sur elle. Sur ses petits seins qu’elle n’aime pas, mais que trouve mignon. Je lui dis merci. Elle sent le miel. Je m’assoupis entre ses bras.
Je glisse mes doigts sur son sexe. J’y recueille mon sperme qui s’en écoule. Je la caresse. Je voudrais qu’elle aussi prenne du plaisir. Qu’elle emporte de cette nuit autre chose que le souvenir de mon éjaculation précoce et de ma maladresse. Elle me laisse faire quelques minutes avant de retirer ma main. Pas comme ça me dit-elle. Pas ce soir. Une autre fois. Nous aurons tant d’occasions encore dit elle à mon oreille avant de m’embrasser.
La nuit est tombée. Elle s’est douchée. Je me suis rhabillé. Je la découvre une dernière fois nue avant qu’elle ne remette sa petite robe blanche toute simple. J’ai encore envie d’elle. Encore, envie de jouir en elle. De sentir sa peau sous mes doigts. Sous mes lèvres. J’ai envie de réapprendre l’amour avec elle. De refaire jouir une femme. De faire jouir cette femme. Je lui dis que je bande encore. Elle rit. Un petit rire. Elle m’embrasse. Une prochaine fois.
Elle enfile sa petite robe blanche toute simple. Nous restons dans les bras l’un de l’autre longtemps. Nous embrassant. Résistant à l’envie de recommencer. Envie toujours présente, toujours aussi forte. Elle part. Je descends les escaliers. Je l’embrasse devant la porte vitrée de l’immeuble. Nous traversons la rue en nous tenant la main.
Je l’ai embrassée sur le parking avant qu’elle ne remonte dans sa voiture et disparaisse au bout de la rue. Les musiciens sont eux aussi rentrés chez eux. La nuit est encore chaude. Je rentre chez moi. Me déshabille et me jeter sur mon lit. Les draps portent l’odeur de notre première étreinte. Et son parfum. Et des traces de mon sperme. Je fais une nouvelle fois l’amour à ma main. Cette fois-ci sans film pornographique. Cette fois-ci je pense à elle. À son corps qu’elle m’a offert. Au goût de sa peau. À nos prochaines fois. Pour la première fois en deux ans, je ne me masturbe pas par dépit, mais par envie. Je jouis avant de m’endormir.
Ils ont dit…